LOUIS XVI & SES LÉGENDES

 

  Que n'a-t-on raconté sur Louis XVI ?

   Comme l'observent Paul et Pierrette Girault de Coursac, il y a quelque chose d'impossible dans le portrait qui est habituellement fait de Louis XVI... comme s'il s'agissait en fait bien davantage d'une caricature grotesque que d'un portrait un tant soit peu objectif...

«Il est impossible que le corps et l'esprit d'un être humain soient parvenus à rassembler une pareille quantité de défauts épouvantables : [Louis XVI ] est très ignorant, il est rude, il est grossier, il est sans éducation, sans curiosité, il est maladroit, il n'a de goût que pour les choses et les travaux les plus grossiers, il est gauche, il est timide, embarrassé, il est de caractère faible et indécis, il se laisse gouverner par sa femme et par ses ministres, il est énorme, il est ventripotent, il mange trop, il est ivrogne, il est sale, il est impuissant, il lui a fallu une opération pour avoir des enfants, et encore on n'est pas sûr qu'ils soient de lui, il est cocu, il écoute toujours le dernier qui a parlé, c'est une bulle de savon, ses idées sont sans consistance, ce sont des boules de billard huilées qu'on n'arrive pas à faire tenir ensemble.

Bref, de fil en aiguille, on se demande avec stupéfaction comment est-ce que son grand-père ne l'a pas mis dans un bocal d'alcool avec un fil dans les narines pour en faire don au Muséum d'Histoire naturelle... Ç'aurait été un cadeau justifié.

[...]

  Notons que cette image de Louis XVI, les historiens l'ont faite d'après des témoignages. Et ils ont pris comme source essentielle, comme témoins, les mémorialistes dont la plupart ne font que rapporter les bruits publics, ces bruits précisément répandus par les gens du parti lorrain et par Mercy-Argenteau et destinés à glorifier Marie-Antoinette, à la faire valoir aux dépens de son mari qu'ils présentent comme une sorte de repoussoir. Il est curieux de constater qu'à Parme et à Naples, dont les deux princes cousins de Louis XVI ont épousé deux sœurs de Marie-Antoinette, Marie-Amélie et Marie-Caroline, les ambassadeurs autrichiens agissent de la même façon que Mercy et Starhemberg à Versailles. Il semble que c'est ce que l'impératrice Marie-Thérèse attendait très exactement de ses ambassadeurs.»

   Bref, tout se passe un peu comme si l'on demandait à un trotskiste pur et dur d'écrire l'histoire de la Vème République... et que la dite histoire soit considérée, après publication, comme l'histoire officielle, enseignée et répétée ad nauseam aux élèves, dans les écoles. N'en doutons pas un instant, de Gaulle, dans une telle histoire, apparaîtrait sous les traits d'un dictateur cynique, au service du grand capital, colonialiste honteux, traître vis-à-vis de ses amis communistes qui pourtant avaient été à ses côtés au moment de la Libération, etc...

   Choquant ?... Mais n'est-il pas choquant de continuer à transmettre de Louis XVI, aux élèves des collèges et aux étudiants en histoire, le type de portrait résumé ci-dessus, alors que depuis plusieurs dizaines d'années s'accumulent les preuves de sa fausseté ?

   Quant aux historiens, pour ainsi dire officiels, qui sont censés revisiter l'histoire et nous en transmettre une image renouvelée, plus exacte, il s'avère dans la plupart des cas qu'ils ne font que recopier ce qui a déjà été dit, sans même avoir à l'esprit de chercher à vérifier l'exactitude de leurs affirmations. Sur quoi, par exemple, se fonde cette idée, sans cesse répétée, que Louis XVI se laissait constamment influencer dans ses décisions par Marie-Antoinette, qui aurait de fait gouverné la France? Où se trouvent la preuves des rapports (secrets et plus qu'amicaux!) qu'aurait entretenus Louis XVI avec les ennemis de la France, après 1789 ? Où est-il question de la grande réforme des Assemblées Provinciales qui occupa tant Louis XVI durant la dernière moitié de son règne ? Où sont les preuves de l'indécision du roi? Où sont les preuves que le manifeste de Brunswick aurait été en réalité inspiré en sous main par Louis XVI, lui qui déclarera au moment de son procès : «Mon coeur est déchiré de trouver dans l'acte d'accusation l'imputation d'avoir voulu faire répandre le sang du peuple... J'avoue que les preuves multipliées que j'avais données dans tous les temps de mon amour pour le peuple, et la manière dont je m'étais toujours conduit me paraissaient devoir prouver que je craignais peu de m'exposer pour épargner son sang, et éloigner à jamais de moi une pareille imputation. » Sans compter que De Grave, jacobin de son état, écrit à propos de l'attitude du roi durant les préparatifs de la guerre : «Lorsqu'on remarque la lenteur de l'Assemblée à prendre en considération les démarches les plus importantes et les plus pressées, on est étonné que ce soit Louis XVI, et non la dernière Législature, qu'on ose accuser d'avoir fait tout ce qu'il fallait pour désorganiser l'armée.» Où sont les preuves, enfin, que les Français dans leur grande majorité auraient été hostiles au roi et favorables à la Révolution -- et surtout qu'ils auraient été plus heureux, qu'ils auraient mieux vécu après le 21 janvier 1793?

     Mais bon, comme l'affirmait avec force Hébert, au lendemain de l'exécution de Louis XVI :«Il faut que l'histoire soit faite pour le peuple, il faut que cette histoire nous peigne Louis en traits ineffaçables, faisant égorger les citoyens le 10 août, se coalisant avec tous les monarques de l'Europe pour anéantir l'édifice sacré de la liberté. Mais la vie privée de ce despote doit être ensevelie dans le plus profond oubli. Eh ! Craignez, citoyens, que le peuple ne se dépouille des sentiments de haine qu'il doit éternellement conserver pour les rois, sentiments que vous devez chercher à réchauffer et à entretenir.»

   Peu de jour auparavant, un autre révolutionnaire - Manuel -, qui avait pu approcher de près le roi et se faire ainsi une idée précise à son sujet, avait déclaré quand à lui : «Si Louis XVI subit son jugement, comme il n'est plus possible d'en douter... la mort de Louis XVI sera la mort d'un saint.»

     Il est vrai que Manuel sera exécuté quelque temps plus tard... pour royalisme!